13.

Vendredi 15 février 1585

Sous un ciel gris et bas, la petite troupe remontait le chemin du faubourg Saint-Marcel. Les cavaliers venaient de laisser à leur gauche une dizaine de moulins dont les ailes tournaient doucement dans la brise, quand, derrière une haie d’arbres dénudés, ils découvrirent les murailles de Paris ponctuées de massives tours rondes. Depuis quelque temps déjà, ils apercevaient la flèche de Sainte-Geneviève.

Les paysans et les maraîchers qu’ils croisaient s’écartaient prudemment devant ces farouches hommes d’armes. L’un d’eux, à l’épaisse barbe, avait ôté son bassinet et, les cheveux au vent, il désigna à son compagnon, un grand gaillard imberbe à la longue chevelure attachée en arrière, les bâtiments épars autour d’eux.

— Voici l’église Saint-Marcel, mademoiselle. Un peu plus loin, c’est l’église Saint-Médard dont vous voyez le clocher. Si nous suivions ce chemin jusqu’à Paris, il nous conduirait à la porte Bordelles, qu’on appelle aussi la porte Saint-Marcel. Elle débouche directement devant l’église Sainte-Geneviève. Quant à cette sorte de château carré avec une tour, c’est la maison de M. Sardini. C’est là où nous nous rendons.

Ils passèrent l’église Saint-Marcel et tournèrent à droite, empruntant un autre chemin bordé de moulins.

— Nous sommes sur le chemin du Fer-à-Moulins, expliqua l’autre homme barbu qui venait de passer en tête de la troupe.

Nos cavaliers étaient Caudebec, Cassandre et les deux Suisses, Hans et Rudolf. À mesure qu’ils se rapprochaient du château de Sardini, Cassandre le découvrait. C’était une grande bâtisse rectangulaire, presque carrée, entourée d’un fossé, avec un haut mur d’enceinte percé de fenêtres protégées par de lourdes grilles. Dans un angle se dressait une tour carrée recouverte d’un toit pointu. À part les moulins, il n’y avait aux alentours que quelques rares maisons à pans de bois serrées autour des églises qu’ils avaient dépassées. En revanche, de l’autre côté du chemin de Saint-Marcel, par où ils étaient arrivés, Cassandre n’avait vu que des couvents entourés de jardins et d’enclos.

— M. Sardini n’habite jamais en ville ? demanda-t-elle.

— Non, mademoiselle. Il y a bien un hôtel, fort beau d’ailleurs, mais Paris est si remuant qu’il préfère sa maison des champs. Ici, il a quarante hommes d’armes pour la défendre, et il est suffisamment près de la ville pour recevoir de l’aide s’il était attaqué par une bande de pillards ou de malcontents, car il collecte aussi des taxes. Il sait par expérience qu’en cas d’émeute populaire, Paris devient un piège mortel lorsque les portes sont fermées.

— Et surtout, ajouta Caudebec, il a ici de solides caves pour protéger ses coffres. On dit même qu’il dispose d’un souterrain pour disparaître…

Ils contournèrent le bâtiment jusqu’à un pont dormant débouchant sur un porche avec une porte à deux battants renforcée de solides barres de fer. Le guetteur avait dû les voir, car à peine arrivés au pont, les battants s’écartèrent.

Ils pénétrèrent dans une cour et Cassandre resta émerveillée.

Elle s’attendait à entrer dans une sombre forteresse comme elle en connaissait tant, avec une basse cour boueuse où traînaient cochons et volailles sur des tas de fumier. Or ils arrivèrent sur une place pavée, propre, entourée d’élégantes arcades de pierre et de brique, avec une claire fontaine gargouillante en son milieu. Le premier étage du bâtiment, érigé sur les arches, était surmonté d’un second étage bordé de colonnettes. Des médaillons en terre cuite, représentant des portraits d’hommes et de femmes illustres, se succédaient entre chaque arcade. Cassandre avait l’impression de pénétrer dans l’une des plus belles maisons de Montauban[45].

Elle dissimula un sourire en se souvenant de ce que son père lui avait dit avant son départ : M. Sardini est très riche, ma fille, et fait beaucoup d’envieux. En plaisantant sur lui, on dit à la cour que la petite sardine est devenue une grosse baleine !

Dans la cour vaquait toute une domesticité de valets, de servantes et d’hommes d’armes casqués de morion à crête et portant mousquet ou pertuisane. Un officier en long manteau noir, coiffé d’un chapeau rond, s’approcha d’eux. Le guetteur, en haut de la tour, avait reconnu Hans et Rudolf, mais il avait aussi annoncé qu’ils n’étaient pas seuls.

— Ce gentilhomme est Mlle Cassandra Sardini, la nièce de M. Sardini, déclara Caudebec en sautant au sol pour aider la jeune femme à descendre. Je suis son écuyer.

En dissimulant sa surprise, l’officier s’inclina devant le « gentilhomme » dont on venait de lui dire qu’il s’agissait d’une femme et proposa avec déférence :

— Madame, je vais vous conduire à M. Sardini.

Caudebec sur leurs talons, ils traversèrent la cour pour pénétrer dans le bâtiment principal. Un escalier à l’italienne, à deux rampes droites séparées par un mur, occupait presque tout le vestibule. Ils l’empruntèrent jusqu’à une porte au premier palier. L’officier les fit pénétrer dans une longue salle déserte au plafond à caissons peints et aux murs couverts de tableaux. Une cheminée centrale chauffait agréablement cette galerie très lumineuse aux ouvertures encadrées par des colonnettes torsadées. Tout au long s’alignaient des crédences aux pieds décorés de créatures fabuleuses et sur lesquelles étaient disposés des vases de faïence multicolores.

À l’extrémité droite de la salle attendaient un valet et deux gardes porteurs d’épées et de pertuisanes. L’officier dit quelques mots à l’un des gardes avant de gratter à une porte sculptée. Il ouvrit quand il entendit l’ordre et fit entrer les visiteurs dans une pièce faisant l’angle avec la galerie. C’était une chambre encore plus richement meublée que la longue salle avec un grand lit drapé de satin, plusieurs tables protégées par des nappes damassées et des dressoirs en noyer ornés de mufles de lion ou de caryatides. Ces meubles supportaient des pièces d’orfèvrerie ainsi que des plats et des aiguières émaillées. Les murs étaient recouverts de plusieurs rangs de tableaux ainsi que de grandes tapisseries des Flandres dont l’une représentait le triomphe de Scipion. Le plafond était peint avec des écussons à devises. Trois fenêtres à colonnes de marbre, malheureusement gâchées par de lourdes grilles, ouvraient sur la campagne.

Un homme à la longue barbe grise taillée en pointe était assis à une grande table protégée d’un drap de damas à franges. Il paraissait consulter un dossier devant lui. Un secrétaire se tenait à une seconde table, plus petite, avec derrière lui une armoire à deux corps en noyer aux vantaux sculptés de figures nues.

Une femme blonde, en robe de velours noir à manches ballonnées, leur tournait le dos, parlant à un troisième individu à la fine moustache, qui faisait donc face aux visiteurs. Ce dernier personnage était tout en noir et d’un aspect plutôt terne. Sans doute était-ce un commis ou un clerc.

L’homme à la longue barbe avait la soixantaine et de profondes ridules marquaient son visage autour de ses yeux. Plissant le front, il jeta aux arrivants un regard inquisiteur. Coiffé d’une calotte de feutre ornée d’un diamant, il portait sur son pourpoint noir à boutons dorés une sorte de gilet en fourrure de renard ainsi que deux lourdes chaînes d’or. Ses doigts portaient tous des bagues dont l’une avec un gros rubis.

— Monsieur le baron, votre nièce vient d’arriver, accompagnée par Hans et Rudolf, annonça l’officier d’un ton neutre.

Celui dont on ne pouvait douter qu’il fût Scipion Sardini resta impassible alors qu’on lui parlait ainsi d’une nièce dont il ignorait l’existence. Il continua à dévisager les nouveaux venus en plissant simplement un peu plus le front, comme pour essayer de comprendre ce qui se passait. En revanche, la femme s’était retournée aux premiers mots de l’officier.

Bouclée en frisons, avec des yeux bleus très clairs, elle avait un front élevé et fort large, un nez long et arrogant. Son visage, d’un bel ovale mais marqué par les fines ridules de l’âge, affichait sa stupéfaction.

— J’ignorais que vous eussiez une nièce, mon ami, fit-elle d’un ton incrédule, légèrement aigu. Votre frère n’a que des garçons, que je sache…

— C’est la fille de mon demi-frère, expliqua alors Sardini en contournant la table pour s’avancer vers Cassandre en lui tendant affectueusement les bras.

— Mio zio ! fit Cassandre, en faisant quelques pas sur un tapis de soie avant de s’agenouiller devant lui avec respect.

— Comment se nomme-t-elle ? demanda la femme avec un je-ne-sais-quoi de dédain.

— Cassandra, signora, répondit la fille de Mornay sans laisser le temps à Sardini d’inventer.

— Cassandre ?

— Jacques, Martial, laissez-nous ! ordonna sèchement Sardini.

Les deux disparurent promptement par une porte du fond. L’officier qui avait fait entrer les visiteurs était aussi sorti et avait refermé la porte derrière lui.

— J’ai envoyé Hans et Rudolf à M. de Mornay, pas en Italie, déclara Sardini à Cassandre et à François Caudebec, comme s’il attendait des explications.

Cassandre n’avait pas prévu que les choses se passent ainsi, elle hésita une seconde en se mordillant les lèvres avant d’expliquer en français :

— Je suis sa fille, monsieur le baron.

La femme fit quelques pas vers elle alors que flottait sur ses lèvres un sourire à la fois énigmatique et moqueur. Elle avait une démarche souple, féline, sûre d’elle.

— Mon épouse, Isabeau, expliqua Sardini, en la désignant avec nonchalance. Je n’ai aucun secret pour elle. Et vous, monsieur, qui êtes-vous ?

— François Caudebec, capitaine d’armes de M. de Mornay, monsieur le baron.

Le silence dura quelques secondes. Isabeau dévisageait toujours Cassandre avec une expression singulière, comme pour la jauger.

— Mon père a reçu votre lettre, monsieur Sardini, déclara enfin Cassandre d’un ton égal. Il vous remercie et m’a envoyée pour en savoir plus. Il m’a aussi remis ce message pour vous.

Elle sortit le pli d’une poche de son manteau et le lui tendit.

Sardini le prit, fit sauter le cachet après l’avoir examiné un instant, puis il s’approcha de la plus proche fenêtre pour lire la missive. Quand il eut terminé, il revint vers son épouse, lui tendit la lettre pour qu’elle la lise et demanda à Cassandre d’un ton sarcastique :

— Que comptez-vous faire exactement, mademoiselle ?

Il était visiblement déçu qu’on lui ait envoyé une femme.

— Vérifier si M. Salvancy rapine les tailles royales au profit des Lorrains et, si c’est vrai, faire le nécessaire pour que cela cesse, monsieur le baron.

— Envisagez-vous de… l’assassiner ? demanda l’Italien en plissant les yeux.

— En effet, répondit Caudebec. Mais encore faudra-t-il être certain qu’il soit coupable.

— Il l’est ! assura un peu trop rapidement le banquier en levant une main.

— Vous paraissez sûr de votre fait, monsieur, mais je ne suis pas un assassin, et j’agirai ainsi uniquement s’il est coupable. Pour l’instant, madame et moi sommes surtout là pour conduire une enquête.

— Je comprends, fit doucereusement l’Italien en dodelinant de la tête.

— Vous paraissez déçu, monsieur Sardini ? demanda Cassandre avec un sourire factice.

— Non… Simplement, c’est une perte de temps.

— Il est venu à l’idée de M. de Mornay que M. Salvancy, s’il est vraiment le voleur, pourrait restituer volontairement le fruit de ses rapines.

— Comment cela ? s’étonna Sardini en ouvrant de grands yeux.

— L’argent est bien dans vos coffres ?

— En partie, répondit évasivement le banquier.

— Donc, il pourrait le rendre pour obtenir son pardon.

— Au roi ?

— Non, à Henri de Navarre.

— Cornebouc ! plaisanta Sardini. Et pourquoi ferait-il ça ?

Son épouse avait terminé la lecture et suivait maintenant les répliques avec attention. Son regard vif allait de l’un à l’autre.

— Par peur d’être dénoncé, par crainte d’être assassiné, je ne sais… répondit Cassandre avec un vague geste de la main.

— Vous ne le connaissez pas, mademoiselle ! intervint Isabeau assez sèchement. Ce n’est pas un quelconque maroufle comme vous semblez le penser ! Cet homme possède un sang-froid à toute épreuve, son logis est une forteresse et il dispose de plusieurs gardes du corps. De surcroît, il a derrière lui la maison de Guise pour le soutenir. Je n’imagine pas qu’une femme puisse l’effrayer ou même l’inquiéter.

— Tout homme est mortel, madame, intervint Caudebec en croisant les bras.

— Je vous l’accorde, mais je vous répondrai aussi que tout homme est remplaçable.

— Cependant si M. Salvancy disparaissait, vous pourriez donner son argent à Mgr de Navarre. Il vous en saurait gré, insista Caudebec.

— Per bacco ! Vous vous gaussez de moi ! s’insurgea Sardini. Je suis seulement le dépositaire de cet argent, je ne peux m’en défaire comme ça !

L’Italien parut effaré qu’on lui suggère de donner l’argent qu’il avait dans ses coffres. Visiblement, une telle idée ne lui était jamais venue. Aussi, devant l’incompréhension de la fille de M. de Mornay, il s’expliqua, comme pour les assurer de sa bonne foi.

— Je vais vous montrer…

Il farfouilla sur sa table et sortit un papier qu’il tendit à la jeune femme.

— … Pour chaque versement qu’il m’a fait, j’ai remis à M. Salvancy une quittance comme celle-ci.

Le papier du banquier était rédigé ainsi :

Quittance de Mme la duchesse de Montpensier de la somme de 2 500 écus versée auprès de Scipion Sardini.

— Retournez-le, proposa-t-il.

Au dos, était écrit :

Quittance de remboursement de Mme la duchesse de Montpensier.

Le recto était signé de Sardini avec son sceau, le verso était signé et cacheté par la duchesse de Montpensier.

— Chaque fois que l’on fait un dépôt chez moi, je signe une ou plusieurs quittances comme celle-ci. Ces quittances peuvent être encaissées ici si elles portent, au dos, la signature du déposant, et parfois son sceau s’il l’a l’exigé dans nos accords. Elles peuvent aussi être payées dans ma banque de Lyon, dans celle de mon frère à Lucques, ou encore dans l’un de nos comptoirs, si le déposant l’a demandé. Cette possibilité est écrite sur la quittance. À Paris, la plupart des banquiers les acceptent. Ce papier circulant est plus facile à manipuler que des écus. La quittance est similaire à une lettre de crédit et peut être payée par n’importe qui du moment qu’elle porte ma signature et que les conditions de paiement sont remplies, c’est pourquoi, lors d’un versement, par exemple de vingt mille écus, mes commis font parfois dix quittances de deux mille écus. Ainsi, plusieurs des quittances données à M. Salvancy ont été présentées par le trésorier de M. le duc de Guise qui me les a remises, signées au dos et cachetées par M. Salvancy, ce qui valait autorisation de remboursement.

— On pourrait vous présenter de fausses quittances, objecta Cassandre.

— On pourrait, je vous l’accorde, mais le faussaire devrait se procurer le papier que j’utilise. C’est un papier vergé fabriqué avec un mélange de lin et de coton uniquement pour moi et qui est pressé sur un cadre à mes armes, ce qui brode un filigrane en pleine pâte, sourit Sardini comme s’il s’adressait à un enfant. De surcroît, ma signature n’est pas facile à imiter et les quittances sont enregistrées et numérotées dans mes comptes. Mais revenons-en à M. Salvancy. Il dispose de neuf cent mille livres dans mes coffres et il possède des quittances pour une somme équivalente. S’il venait à disparaître, cet argent irait à sa succession. À celui qui aurait ses quittances, plus exactement.

— Si je comprends bien, fit Caudebec après un instant de silence, cela signifie que si nous possédions ces quittances, vous pourriez nous les payer avec de beaux écus d’or ?

— Sans doute, à condition qu’il y ait dessus la signature et le cachet de M. Salvancy, car ce sont les conditions d’encaissement qu’il a voulues. Pour prévenir tout risque de fraude, M. Salvancy a aussi précisé que ses quittances ne pouvaient être encaissées qu’ici.

— Je sais donc ce que l’on doit faire, décida Cassandre. Lui prendre ses quittances et lui demander qu’il nous les signe. Ensuite, nous le ferons disparaître pour qu’il ne recommence pas.

— Ne croyez pas que ce sera facile, la prévint le banquier. Vous ignorez où Salvancy les cache et je ne vois pas comment vous obtiendriez de lui qu’il les signe. Mais nous reprendrons cette discussion plus tard, je suppose que vous souhaitez vous reposer et vous restaurer maintenant.

Isabeau conduisit Cassandre dans une chambre du premier étage, de l’autre côté de la cour. C’était une petite pièce au plafond peint en azur, avec un lit à piliers et rideaux de velours cramoisi. Le ciel de lit était supporté par quatre montants de bois doré ornés de figures sculptées et d’acanthes multicolores. La chambre disposait d’une chaise, de deux escabelles et d’un bahut au coffre de cuir clouté. Sur une table étaient posées une cuvette d’étain et une cruche d’eau. Dans une ruelle du lit se trouvait une chaise percée pour les commodités.

— Je vais vous envoyer une femme de chambre et faire monter vos bagages, lui proposa Isabeau en s’asseyant sur le lit. Mes appartements sont à côté, n’hésitez pas à me déranger pour me demander ce dont vous avez besoin. Si vous souhaitez du linge, je vous prêterai le nécessaire. Reposez-vous, vous devez être fatiguée. Nous souperons dans une heure et vous pourrez nous raconter votre voyage. Cela nous divertira.

Elle resta un instant à observer Cassandre, qui restait silencieuse, avant de demander :

— Pourquoi M. de Mornay vous a-t-il envoyée, mademoiselle ?

— Mais, vous le savez, madame…

— Ce n’est pas cela que je veux dire, mademoiselle, pourquoi vous ? Une femme…

— Il ne pouvait venir lui-même, et il ne voulait en parler à personne.

— Mais vous êtes sa fille !

— C’est pour cela qu’il a confiance en moi, madame.

La douce Limeuil secoua négativement la tête avant de demander :

— Avez-vous l’expérience de ce genre d’entreprise, mademoiselle ?

— Pas vraiment, madame, répondit Cassandre avec prudence.

— Savez-vous mentir, mademoiselle ?

— Je n’en ai guère eu l’occasion jusqu’à présent, déclara Cassandre en souriant. Je ne mens pas à mon père.

Isabeau soupira avec une expression désabusée. Brusquement, elle cessa de se contraindre à faire bonne figure. Son visage s’affaissa, révélant son âge et la vie qu’elle avait connue.

— Savez-vous utiliser vos charmes ? Êtes-vous prête à paillarder pour votre cause ? demanda-t-elle d’une voix fatiguée.

Cassandre eut un mouvement de recul et son expression se figea.

— Alors, vous échouerez, mademoiselle, poursuivit Isabeau de Limeuil en secouant la tête. Comment croyez-vous pouvoir reprendre ces quittances auprès de Salvancy ? Pensez-vous qu’il va vous les donner sans contrepartie ?

Cassandre se sentit mal à l’aise. La difficulté de sa tâche commençait à lui apparaître.

— Savez-vous quel genre de femme j’étais avant d’épouser celui qui m’a rendu mon honneur ?

Cassandre rougit.

— J’étais une bordelière pour ma tante Catherine. Je faisais partie de ce qu’elle appelait son escadron volant, que d’autres désignent sans fard comme le haras de putains. Je baudouinais pour elle, je haussais la croupière, les hommes s’amourachaient de mes blandisses et n’étaient plus que des objets dans mes mains. Je l’ai payé cher, mais j’ai réussi à amener Condé dans le camp du roi. Êtes-vous prête à faire la putain comme moi ? À vous désaccoutrer dès qu’on vous le demande ? À mugueter et à vous entrefriquer sans désir pour obtenir ce que vous souhaitez ? À perdre toute pudeur et à abandonner votre vertu ?

Cassandre baissa les yeux sans répondre.

— J’en étais certaine ! Je ne crois pas que vous soyez taillée pour cette besogne. Ce n’est pas dans votre nature. Vous êtes protestante, bien sûr ?

— Oui, madame.

— Rentrez chez vous, mademoiselle, c’est tout le conseil que je vous donne.

Cassandre releva la tête et planta ses yeux dans ceux d’Isabeau.

— Je suis venue pour faire cesser le trafic de M. Salvancy. J’y parviendrai sans sacrifier mon honneur ou ma vertu.

— Soit ! fit Isabeau en soupirant. Voulez-vous pourtant quelques conseils d’une femme qui n’a pas oublié ce qu’elle était capable de faire ?

— Pourquoi pas, madame, s’ils sont compatibles avec ma conscience.

— Faites-vous inviter par M. Salvancy.

Cassandre rougit à nouveau.

— Non pour ce que vous croyez, reprit Isabeau, mais plus simplement pour fouiller dans ses papiers. Mon époux vous l’a dit, il ne peut vous donner l’argent de Salvancy qu’avec ses quittances contresignées au dos. Donc, pour commencer, il vous faut savoir où elles sont. Pour la signature, ce sera plus facile, on peut toujours les imiter.

— Comment me faire inviter ? Vous l’avez dit, M. Salvancy est un grippeminaud. Il se méfiera de moi car il ne me connaît pas.

— Il vient de se marier et d’aménager dans une belle maison qu’il loue rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie. Devenez l’amie de sa femme, puisque vous ne voulez pas devenir la maîtresse du mari.

— Mais comment les rencontrer ? demanda encore Cassandre, se laissant guider par l’ancienne fille de l’escadron volant.

— Je peux les inviter à un dîner. Par exemple, vendredi prochain, pour ma fête, proposa Limeuil.

— Je vous en serais reconnaissante, mais en supposant qu’ensuite Mme Salvancy me propose de venir la voir, comment trouver ces quittances chez elle ?

Limeuil soupira, mais cette fois avec un sourire amical.

— Décidément, vous ne savez rien faire ! Nous n’aurons pas trop de la semaine pour que je vous apprenne un certain nombre de choses utiles : mentir, tricher, voler…

Cassandre frémit à ce programme, avant de demander, après un bref silence.

— Pourquoi faites-vous ça, madame ? Pourquoi voulez-vous m’aider ?

Limeuil abandonna son sourire et son regard devint vague.

— J’ai eu des enfants, mademoiselle, j’en ai perdu plusieurs… Il m’en reste quatre…

Cassandre hocha la tête.

— Quand j’ai séduit le prince de Condé, j’obéissais à la reine, mais j’étais assez sotte pour croire aussi que j’étais utile au royaume. Je pensais alors qu’il était possible de vaincre les protestants. Vingt ans plus tard, le pays n’a jamais été aussi déchiré. J’ai assisté à la Saint-Barthélemy. Je sais ce que les hommes peuvent faire aux hommes… et aux femmes. Le roi n’aura pas d’enfants et, à sa mort, peut-être avant, nous connaîtrons à nouveau les pires atrocités…

Elle se tut un instant.

— … Il n’y a pas assez de dépravation dans mon cœur pour en avoir éteint toute sensibilité. Je ne veux pas perdre mes fils. Je suis catholique, et vous pourriez penser que je choisirai le camp des papistes. Mais il n’en est rien. À la cour, il y a quelques hommes près du roi qui prêchent la tolérance, on les nomme les politiques. Il y en a autant, dit-on, autour d’Henri de Navarre. J’ai cherché s’il y en avait auprès du duc de Guise et je n’en ai pas trouvé. Y a-t-il même un seul protestant proche de lui ? Je ne le crois pas. En revanche, j’ai lu De la vérité de la religion chrétienne, que votre père a publié, il y a deux ans. S’il défend avec vigueur une cause calviniste que je me refuse de suivre, il s’oppose à toute contrainte en matière de religion et ne fait que l’apologie du christianisme. J’ai observé que des princes catholiques comme M. de Soissons ou M. de Montmorency soutiennent Henri de Navarre. J’ai parlé avec Mme la reine mère, je lui ai demandé quel genre d’homme était le Béarnais. Il a longtemps vécu près d’elle et elle le connaît mieux que personne. Même si elle préfère le duc de Guise, elle est persuadée que, converti, il parviendra à faire régner la paix, car c’est un homme aussi habile que tolérant. Aussi, après avoir longuement réfléchi, j’ai pris ma décision.

» Mon mari n’a pas besoin de l’argent volé par M. Salvancy. J’en ai assez de cette guerre. J’aimerais que mes enfants et mes petits-enfants connaissent enfin la paix. C’est moi qui ai dit à mon mari d’écrire à votre père, ajouta-t-elle après un silence. Que cet argent revienne à ceux qui porteront la paix dans ce royaume.

Après ce long discours, la douce Limeuil parut vidée de toute énergie. Cassandre resta un instant indécise, puis elle s’approcha d’elle et lui prit les mains.

— Soyons amies, madame, lui dit-elle.

Cassandre et Caudebec passèrent une semaine à ne rien faire sinon à se reposer des fatigues du voyage. Chaque jour, en général dans la soirée, Mme Sardini restait une heure ou deux avec Cassandre. La fille adoptive de Philippe de Mornay sortait souvent de ces entretiens sombre et taciturne, ce qui inquiétait Caudebec.

Mais en réalité, si Isabeau de Limeuil apprenait à Cassandre ce qu’elle savait pour dissimuler une émotion, faire avaler un philtre, fouiller une pièce ou ouvrir une serrure, toutes choses qu’elle avait apprises quand elle appartenait à l’escadron volant, elle ne lui parlait jamais de ses débauches ou de ses crimes dont elle avait trop honte. En revanche, la conversation s’orientait presque toujours vers le prince de Condé. Chaque fois, Isabeau en parlait avec courroux, mais Cassandre distinguait toujours l’émotion et les regrets dans ses paroles. Elle comprit vite que Mme Sardini n’avait rien oublié et qu’elle aimait toujours le petit homme tant joli.

Dans la journée, Caudebec la conduisait à Paris et lui montrait la ville. Ils passèrent aussi devant la maison de Jehan Salvancy, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, que Caudebec examina comme s’il devait emporter la place. C’était un beau bâtiment au soubassement de pierre et à l’étage en encorbellement avec des pans de bois colorés en rouge. Il était surmonté d’une haute toiture en pointe percée de nombreuses petites fenêtres triangulaires aux cadres de bois peints aussi en rouge. Il y avait deux ouvertures ogivales, au rez-de-chaussée. La première, située seulement à mi-hauteur, était une grande fenêtre protégée par une grille. Derrière les petits carreaux translucides, on distinguait vaguement de gros volets de chêne, pour l’heure fermés. La seconde ouverture était une massive porte cloutée à deux battants. Les quatre fenêtres du premier et unique étage étaient à meneaux et elles aussi protégées par des volets intérieurs.

La porte d’entrée était suffisamment large pour laisser passer un attelage et une charrette, jugea Caudebec. Il y avait sans doute une cour intérieure, ou un jardin avec écurie, de l’autre côté.

Durant ces promenades dans Paris, ce qui frappa le plus Cassandre fut le grand nombre de mendiants tendant leur sébille dans les rues, assis devant les églises ou affalés aux portes des couvents. Certes, dans les villes du Midi tenues par les protestants, ou dans le Languedoc, sous la férule de M. de Montmorency, la misère existait aussi. La guerre faisait des ravages dans les campagnes. Les lansquenets y brûlaient les villages et détruisaient les récoltes, et les croquants avaient si faim qu’ils dévoraient les blés sur pied. Mais le désespoir, la famine, la misère, ne lui avaient jamais paru si intenses, si pesants qu’à Paris. Des enfants sachant à peine marcher se pressaient contre leur monture pour obtenir quelque aumône ou un morceau de pain, des femmes et des vieillards, trop faibles pour bouger, restaient assis ou couchés devant les porches, parfois dans la neige, attendant un miracle ou plus certainement la mort.

Mlle de Mornay interrogea les époux Sardini sur cette misère.

— Le setier de froment a atteint cinq écus, expliqua Limeuil, et seuls les plus fortunés, ou ceux qui travaillent dur peuvent encore en acheter. Les autres n’ont que de la bouillie d’avoine, quand ils en ont.

— Paris est une marmite bouillante qui va exploser si le roi n’y prend garde, renchérit Sardini, sans dissimuler son inquiétude.

Ce même soir, Isabeau rejoignit Cassandre dans sa chambre et s’assit sur le lit, la dévisageant un instant avant de parler.

— Quel âge avez-vous, mademoiselle ? demanda-t-elle enfin.

— Je ne sais pas, madame, sans doute vingt ans.

— Votre père ignore quand vous êtes née ? s’étonna Limeuil.

Cassandre resta un instant sans voix, surprise par la question.

— M. de Mornay n’est pas mon père, lui confia-elle. Il m’a adoptée.

— Je m’en doutais… sourit Limeuil.

— Pourquoi, madame ?

— Je me suis renseignée, et je viens d’apprendre qu’il a seulement trente-six ans. Pourquoi vous a-t-il adoptée ?

Cassandre ne savait que dire. Pouvait-elle confier des choses si précises à cette femme dont sa mère adoptive lui avait dit de se méfier ? Sans comprendre pourquoi, elle se sentait prête à lui accorder sa confiance.

— C’était après la Saint-Barthélemy, madame. Il embarquait à Dieppe et m’a trouvée dans la rue. Mes parents et mes serviteurs avaient été assassinés.

— Mais il n’était pas obligé de vous adopter, il aurait dû rechercher votre famille !

— Il a essayé, madame, en vain. J’ignorais le nom de mes parents et celui du village où je vivais.

— Comment cela ? dit elle, surprise. Vous deviez avoir sept ans, non ?

— On ne me l’avait jamais dit.

— Vos parents ne vous ont jamais dit leur nom ?

— Non, madame.

Isabeau ne posa pas d’autres questions. Elle se leva et laissa Cassandre seule. Mais une fois dans sa chambre, elle fit sortir sa dame de compagnie et s’allongea sur son lit. Elle voulait rester seule avec ses souvenirs et le désespoir qui la rongeaient depuis vingt ans.

Qui était cette jeune fille ? Et quel était le secret de sa naissance ? Elle songea à cet homme qu’elle avant tant aimé et qui l’avait trahie.

Le vendredi était la Sainte-Isabelle, fête de Mme de Limeuil. Chaque année, à cette date, Scipion Sardini donnait chaque année un magnifique souper dans la grande galerie du château. À cette occasion, il invitait des financiers de ses amis comme Sébastien Zamet et Ludovic da Diaceto, mais aussi quelques maîtres des requêtes ou maîtres des comptes influents, ainsi que des trésoriers de grandes maisons. Parfois des secrétaires d’État, ou des proches de la reine mère, étaient aussi présents. Ce soir-là, il devait y avoir Pierre de Gondi, l’évêque de Paris, accompagné de son frère Albert, le duc de Retz ; un de ceux, disait-on, qui avaient suggéré l’assassinat de l’amiral de Coligny. Il y aurait aussi le surintendant des Finances, M. Pomponne de Bellièvre.

Pour ce souper si recherché, M. Sardini avait fait porter une invitation à Jehan Salvancy. Quand celui-ci l’avait reçue, il en avait été tellement flatté qu’il n’avait pas envisagé qu’il puisse s’agir d’une manœuvre visant à le ruiner.

À mesure que les invités arrivaient, laissant voitures et chevaux dans la cour, Mme Sardini les accueillait en haut du grand escalier. Elle veillait en particulier à ce que les Gondi, Zamet et Diaceto, ainsi que les autres Italiens n’approchent pas Cassandre de peur qu’ils ne la démasquent. Mais dès qu’elle aperçut M. et Mme Salvancy, elle s’avança vers eux et demanda à son époux de la remplacer.

Le plan qu’avait préparé l’ancienne amazone de Mme de Médicis était fort simple. Elle savait que l’épouse du receveur général des tailles se piquait de poésie, à l’image de la duchesse de Retz, amoureuse des belles lettres. Cette prétention serait le cheval de Troie des Salvancy, avait-elle jugé. À sa demande, Scipion avait retrouvé dans sa bibliothèque un petit recueil de poèmes de l’académie de Lucques que la fille adoptive de M. de Mornay avait appris par cœur.

Mme Sardini présenta Cassandre à Mme Salvancy comme la nièce de son mari et comme une poétesse réputée de Lucques. En se faisant prier, Mlle de Mornay lui déclama quelques strophes dont elle assura être l’auteur.

Ayant fait connaissance, les invités passèrent à table. Supportée par des tréteaux, elle s’étendait tout au long de la galerie sur près de cinquante pieds. Seul le haut bout, c’est-à-dire les places d’honneur, à droite de la cheminée, était réservé. Il y avait là le maître et la maîtresse de maison, Pierre de Gondi – l’évêque de Paris – ainsi que son frère Albert, avec son épouse la duchesse de Retz, et enfin M. Pomponne de Bellièvre. Au delà, chacun pouvait se placer à son gré. Cassandre proposa à Mme Salvancy de se mettre à côté d’elle pour qu’elles puissent parler de poésie, tout en veillant à rester loin du groupe des financiers italiens. Les couples n’étaient nullement réunis et M. Salvancy s’installa d’autorité à côté de Cassandre à laquelle il envisageait de faire un brin de cour, lui-même ayant pour voisin un maître des comptes.

L’évêque de Paris bénit le repas, puis les valets apportèrent les soupes dans de grandes soupières qu’ils déposèrent sur les tables.

Avant le souper, chacun s’était lavé les mains en utilisant des aiguières emplies d’eau parfumée au romarin présentées par des servantes ou placées sur des crédences. C’était indispensable puisque chacun se servirait avec ses doigts, bien que quelques Italiens aient amené leur fourchette à trois pointes. Les plus délicats ne plongeraient que trois doigts dans les soupières pour chercher les morceaux de viande, les plus grossiers mettraient le poignet entier qu’ils laveraient ensuite avec du vin aromatisé, ou qu’ils essuieraient simplement avec leur langue ou sur leur pourpoint. Aucun pourtant ne laisserait trop longtemps la main dans les soupières, car tous connaissaient les règles de la civilité édictées par Jean Sulpice : Tu ne dois point tenir longtemps les mains dedans le plat.

Les potages et les pains à tremper, ce qu’on appelait les soupes, furent servis dans des écuelles en faïence. Certains convives utilisaient une cuillère, mais Mme Sardini n’en ayant pas assez, la plupart des invités portaient directement l’écuelle à leurs lèvres après avoir retiré les plus gros morceaux avec les doigts.

Il y eut plusieurs services auxquels Cassandre ne s’intéressa guère, occupée surtout à s’attirer les bonnes grâces de M. et de Mme Salvancy. C’était assez facile compte tenu de leurs visées. Mme Salvancy, apprenant qu’elle était à Paris pour quelques semaines, la supplia de venir illuminer son salon littéraire le mercredi suivant. Cassandre accepta en se faisant tout de même un peu prier. Elle commençait à maîtriser les leçons de la douce Limeuil.

Pendant ce temps, M. Salvancy discutait surtout avec son voisin, conseiller à la chambre des Comptes. Ce dernier était lui-même à côté de l’homme qui se trouvait dans le cabinet de M. Sardini le jour où Cassandre et Caudebec étaient arrivés. Depuis, Cassandre l’avait plusieurs fois rencontré dans l’hôtel, car il était le premier commis de la banque. C’était un ancien notaire à la chancellerie qui connaissait tout le monde dans le milieu de la finance ; il se nommait Martial Vivepreux.

Ayant épuisé les sujets de conversation avec sa voisine, Cassandre écouta vaguement les échanges entre M. Salvancy, M. Vivepreux et le conseiller à la chambre des Comptes. Ils parlèrent des ambassadeurs de Flandre qui étaient venus demander l’aide du roi contre l’Espagne, et qui avaient été éconduits de leurs demandes, puis des ambassadeurs d’Angleterre qui avaient offert au roi l’ordre de la Jarretière.

— … Et pour l’assassinat de ce contrôleur des tailles, demanda Salvancy à son voisin, n’avez-vous rien appris ?

— Rien ! On ne retrouvera sans doute jamais les assassins. Ce devaient être quelques truands comme il y en a trop dans Paris.

— J’ai vu son fils lors d’une messe à sa mémoire, expliqua Vivepreux. Il m’a paru désespéré.

Ils n’en dirent pas plus. Sur le moment, Cassandre se demanda de quoi ils parlaient et se promit de se renseigner, mais elle oublia presque immédiatement car survint alors un incident qui la fit beaucoup rire. M. Salvancy, qui mangeait sa viande avec les doigts et qui parlait sans cesse, se mordit brusquement la main en voulant manger avec trop de hâte. Il dut quitter la table, la main ensanglantée, sous les quolibets de ses voisins[46].

Les rapines du Duc de Guise
titlepage.xhtml
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_000.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_001.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_002.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_003.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_004.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_005.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_006.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_007.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_008.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_009.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_010.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_011.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_012.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_013.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_014.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_015.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_016.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_017.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_018.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_019.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_020.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_021.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_022.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_023.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_024.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_025.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_026.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_027.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_028.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_029.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_030.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_031.htm
Aillon, Jean d'-[La guerre des trois Henri-1]Les rapines du duc de Guise(2008)_split_032.htm